Zones rouges...

Dès la fin de l'année 1918, des familles veulent voir les lieux des combats où sont morts leurs proches, et les associations d'anciens combattants souhaitent que ces sites devenus sacrés soient conservés comme lieux de mémoire. 

Mais au lendemain de la guerre, les champs de bataille sont des zones dévastées, à l'aspect lunaire, impossibles à rendre à la vie.

Il faut nettoyer les sols, transporter les restes humains dans les cimetières ou ossuaires, les nappes phréatiques sont contaminées par les cadavres d'animaux ou les gaz utilisés, retirer avec précautions les millions de munitions non explosées... 

Ce sont les zones rouges, qui concernent onze départements en 1919, et dont la surface sera diminuée avec le temps, mais sans disparaître totalement. Dans certains secteurs, principalement dans la Meuse, et dans une moindre mesure le Pas-de-Calais et la Somme, des forêts ont été restaurées ou crées dans ces zones dès 1929.


La Première Guerre Mondiale a laissé en France, en Belgique et en Allemagne de graves séquelles physiques, chimiques et éco-toxicologiques. En France, où se sont concentrés les combats, la destruction est quasi totale sur 7 % du territoire métropolitain.

Environ 4 000 communes sont touchées, sur 3 337 000 hectares. 

Il faut nettoyer les sols, transporter les restes humains dans les cimetières ou ossuaires, retirer avec précaution les millions de munitions non explosées, les nappes phréatiques sont contaminées par des cadavres d'animaux ou les gaz utilisés...
Retombées atmosphériques après les tirs, explosions, usages de gaz de combat, incendies, armes chimiques, traces de métaux lourds dus aux munitions conventionnelles, plomb, mercure, zinc... ont provoqué une concentration considérable de polluants dans cette zone et aux alentours, dont certains sont non dégradables.

Après l'armistice, le nettoyage a consisté à faire exploser sur place des quantités d'obus ou autres munitions non éclatées, à enfouir ou démanteler des obus chimiques pour en récupérer les métaux après en avoir vidé le contenu sur place, à rejeter en mer des milliers de tonnes de munitions. Ainsi, 35 000 tonnes d'obus récupérés en Belgique et dans le Nord de la France ont été déversés à Zeebrugge. Or la corrosion est encore plus rapide en mer que sur terre ou en eau douce... 

Un siècle plus tard, des anomalies écologiques persistent dans les onze départements de cette zone rouge, les plus touchés étant la Meuse, le Pas-de-Calais, le Nord et la Somme. Dans ces secteurs, des forêts ont été créées ou restaurés dès 1929.

La plupart des munitions conventionnelles ou chimiques enfouies ou immergées dans les lacs ou les mares s'y trouvent toujours. Localement, des pollutions majeures existent, comme sur le site meusien en Plaine de Woëvre "Place à Gazé". Sur ce site, en traitement depuis 2004, plus de 99 % des espèces animales du sol et des végétaux meurent en raison de taux extrêmement élevés de métaux lourds. L'arsenic constitue près de 17 % du poids du sol, avec des taux mille à dix mille fois plus élevés que les taux habituels des zones rouges. Près de 200 000 obus chimiques y auraient été "traités" dans les années 1920 par un ferrailleur habilité par le Ministère de la Guerre. Dans les environs de Verdun, on a mesuré des taux de plomb anormalement élevés dans les foies des sangliers, plus élevés qu'ailleurs dans cette région pourtant touchée.

Les activités autorisées en zone rouge sont la sylviculture, les activités militaires, et le tourisme de mémoire et culturel. Toute agriculture y reste interdite.

Dès la fin 1918, des familles ont voulu voir les lieux des combats où étaient morts leurs proches. Les associations d'anciens combattants ont voulu que ces lieux devenus sacrés soient conservés comme lieu de mémoire.


Légende de la carte : 

Zones bleues : dégâts moyens, éventuels restes de dépôts de munitions, casemates ou déchets divers. Ce sont des zones de passages ou stationnement des armées.

Zones jaunes : zones brièvement ou ponctuellement touchées par les combats, souvent derrière les lignes de front. Infrastructures routières à peu près utilisables après l'armistice. Sols localement criblés de projectiles.

Zones rouges : zones correspondant aux lignes de front des armées, dommages majeurs. Sols bouleversés, infrastructures routières, ferroviaires, industrielles, ponts, ports, canaux détruits en quasi totalité.

Les zones jaunes et bleues ont été nettoyées, déblayées, et rendues à la vie civile, en tenant compte des dangers immédiats (risque d'explosion et fuites chimiques), mais sans tenir compte des dangers liés aux contaminations multiples. Ainsi, on a récupéré le cuivre des munitions, mais laissé les billes de plomb éparpillées par les obus shrapnels. 

Certaines parties de la zone rouge n'ont jamais pu être nettoyées, ou ne l'ont été que superficiellement. Jugées trop dangereuses ou sites de mémoire, ces zones ont été boisées. 

En 1919, les deux tiers de la région industrielle du Pas-de-Calais, dévastés, ont été classés en zone rouge ou jaune.

Plus à l'Est, le secteur de Verdun qui avait reçu plus de 60 millions d'obus, dont au moins un quart n'ont pas explosé était classé en zone rouge. On estime que 90 tonnes de mercure ont pollué l'air, le sol et l'eau sur ce seul secteur.

En 2001, à Vimy, les autorités constatent que des obus au gaz stockés en plein air après 1918 se sont fortement dégradés, impliquant leur déplacement vers Suippes dans des camions blindés et réfrigérés. En 2016, des explosions accidentelles se produisent sur le même site. 


Aujourd'hui encore, il est strictement interdit de s'écarter des chemins balisés tracés dans ces forêts, tant dans un souci de respect du lieu, que de sécurité, puisque les traces des combats sont encore bien présentes : des barbelés ou queues de cochons émergents de la terre meurtrie, des munitions sont encore enfouies plus ou moins profondément, des substances toxiques sont toujours libérées par les obus cachés atteints par la corrosion...

Chaque année, des obus ou autres munitions sont encore mis au jour, lors de travaux dans les zones rouges ou de labours dans les alentours de ces secteurs. La Sécurité Civile estime qu'au rythme actuel de nettoyage, ce sera encore le cas durant 700 ans environ...

Et surtout, aujourd'hui encore, il arrive régulièrement que des travaux mettent au jour les restes d'un soldat. Des recherches sont alors entreprises afin de tenter de l'identifier.