Le monde paysan dans les années 20

En 1914, les campagnes abritaient 56 % de la population, 42 % des actifs étaient occupés dans le secteur agricole. Quand la guerre s'achève, la main-d'oeuvre manque et la production agricole connaît, entre 1919 et 1921, une baisse de 40 % par rapport à l'avant-guerre.

Tout le Nord-Est du pays, composé en grande partie de campagne, est dévasté, entraînant la surexploitation des autres zones agricoles et la pénurie alimentaire.

Le monde paysan a payé un lourd tribut à la guerre. La moitié des 8 365 000 hommes mobilisés étaient de jeunes agriculteurs et des ouvriers agricoles, qui ont été principalement versés dans l'infanterie.

Sur une population active agricole masculine de 5.4 millions, environ 700 000 ont été tués ou portés disparus, entre 350 000 et 500 000 sont revenus mutilés ou invalides, soit une ponction terrible de 16 à 22 %.

Durant la guerre, dans ces campagnes où plusieurs générations cohabitent et où le partage des tâches est établi depuis toujours, les femmes ont travaillé dur. Elles ont pris les décisions à la place des hommes, pères, frères ou maris, absents. Elles ont assumé l'éducation des enfants. 
Il ne semble pourtant pas que l'on puisse parler d'émancipation. Lorsque les hommes reviennent, ils reprennent la charrue, la faux, actionnent la batteuse, tandis que les femmes reprennent leurs places à la cuisine, à la fontaine pour les lessives, à l'étable pour la traite, à la basse-cour, et auprès des enfants. 


Au sortir de la guerre, le monde paysan prend conscience qu'il est en perte de vitesse, en chemin vers une profonde et quasi irrémédiable transformation. 

Les jeunes ruraux ont côtoyé d'autres hommes bien différents dans les tranchées, ouvriers, bourgeois, intellectuels, ils se sont confrontés à des idées progressistes, ils se sont pris à rêver d'une autre vie qui paraît plus facile.

De retour dans les campagnes, la vie reprend comme avant, mais on sait qu'on vit autrement ailleurs... autrement, et peut-être mieux. Les règles de vie imposées par la tradition, donc les anciens, sont difficiles à supporter. Le monde rural souffre de la comparaison avec le mode de vie urbain, car il reste traditionnel et peu ouvert aux innovations.

Attaché à la petite exploitation familiale, souvent morcelée par les partages qui rendent impossibles la mécanisation des moyens de production, le monde paysan se heurte à deux freins. 

D'une part, la plupart des exploitations restent sous-équipées. L'épargne des paysans, favorisée par la pénurie, est en hausse, mais reste très peu utilisée pour les prêts. Les paysans préfèrent acheter des terres plutôt que moderniser leur exploitation.

D'autre part, il y a pénurie de main-d'oeuvre. Au dramatique manque de bras dans les campagnes dû guerre s'ajoute l'exode rural, qui touche principalement les jeunes, et va intensifier le recours à la main-d'oeuvre étrangère. 

En trente ans (1901-1931), le nombre d'étrangers recrutés dans l'agriculture passe de 80 000 à 250 000, mais ne compense pas l'exode rural, estimé à 1.5 million de personnes entre 1920 et 1930.

Les paysans ne sont pas toujours en mesure d'assurer l'approvisionnement complet de la France.

La dépression des années 1930 vient accentuer ce malaise.

En 1931, les emplois dans l'agriculture sont tombés à 36 % de la population active, contre 37.5 % dans l'industrie.

La société française a franchi un cap : elle compte désormais plus d'urbains que de ruraux agricoles.