Chanson antimilitariste écrite en 1917, interdite en France jusqu'en 1974, cette chanson anonyme a probablement plusieurs auteurs.
Souvent perçue comme un manifeste, elle a continuellement évolué au cours de la guerre, en fonction des principaux lieux de combat. Elle apparaît sous le nom de Chanson de Lorette, évoquant la bataille du même nom, qui se déroule d'octobre 1914 à octobre 1915, et fait plus de 100 000 blessés et tués, tant du côté français que du côté allemand.
Au cours de l'automne 1915, elle évoque le plateau de Champagne.
En 1916, elle devient une chanson sur Verdun et son refrain est modifié :
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Verdun, au fort de Vaux
Qu'on a risqué sa peau [...]
En 1914, après la première bataille de l'Aisne, la commune de Craonne, située sur la ligne de front, est occupée et sa population est déplacée. Avec l'offensive Nivelle au Chemin des Dames, et ses 5 millions d'obus entre le 6 et le 16 avril 1917, le village est entièrement rasé.
Après l'échec de cette offensive et la perte de plus de 130 000 hommes en dix jours, l'armée française doit faire face à de nombreux actes d'insoumission concernant plus de 150 unités. On parle alors de mutineries...
La Chanson de Craonne associe le village à ces insoumissions et au pacifisme, et le refrain subit une nouvelle transformation :
C'est à Craonne, sur le plateau...
Parmi les légendes qui entourent la chanson, la plus coriace est celle qui affirme qu'un million de francs or fut promis à qui dénoncerait l'auteur.
Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés
Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons tous sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier des chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes
Adieu la vie, adieu l'amour
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés
C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendre leur bien car nous n'avons rien
Nous autres pauvres purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendre les biens de ces messieurs-là
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros
De monter sur l'plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau