Parmi les belligérants de la Première Guerre mondiale, ce sont la France et l'Allemagne qui ont mobilisé le plus grand nombre d'hommes en âge de porter les armes : 80 % des quinze à quarante-neuf ans. 

La paix signée, à côté des familles de 1 375 800 morts et disparus, la patrie doit s'occuper de 4 266 000 blessés, au nombre desquels figurent 10 000 à 15 000 mutilés de la face, les "gueules cassées" selon l'expression du colonel Yves Picot, fondateur de l'Union des Blessés de la Face. Victimes de la brutalisation du premier conflit industriel où 70 % des blessures sont occasionnées par le tir continu de l'artillerie, ces hommes sont désocialisés par la guerre. Ils doivent réapprendre la vie civile, composer avec leurs handicaps, affronter le regard d'une nation embarrassée de ces héros "non Morts pour la France", reflets de son état à l'issue du conflit.

L'enceinte de l'hôpital psychiatrique de Cadillac-sur-Garonne, en Gironde, disposait autrefois d'un cimetière d'un millier de places, attenant au cimetière communal du quartier Saint-Martin. Cet ancien cimetière garde le souvenir de la Première Guerre mondiale.

Le carré des "Mutilés du cerveau" rassemble les sépultures de 98 mutilés revenus du front mentalement exsangues, placés là pour finir leur vie, en marge des établissements de Moussy-le-Vieux (Seine-et-Marne), ou de Coudon (Var).

Un arrêté préfectoral évoque "l'état des décès des six dernières années" établi dès 1918 par le Conseil Municipal et précise : "Considérant que vu le grand nombre des décès survenus à l'Asile d'Aliénés de Cadillac, le cimetière actuel est devenu insuffisant et que son agrandissement s'impose par mesure d'hygiène publique, il est juste que cet établissement prenne à sa charge les frais d'acquisition du terrain nécessaire'.  

C'est donc bien le nombre massif de décès en rapport avec la Grande Guerre qui motive cette décision, et c'est sans doute la raison pour laquelle un carré central de 100 tombres est consacré aux Anciens Combattants "mutilés du cerveau", comme le spécifie une plaque. Le nombre total de sépultures y avoisine les 900, mais s'avère difficile à préciser, trois rangées ayant été bouleversées et laissées en l'état. 

 

Des morts doublement oubliés aussi, car, pensionnaires de l'hôpital psychiatrique, leur décès n'a pas fait l'objet d'un enregistrement par l'officier municipal, et leurs tombes, dont les vignettes d'identification sont tombées pour nombre d'entre elles, sont aujourd'hui anonymes.

 

Deux plaques cependant, offertes en 1937 et en 1956 par les Anciens Combattants de Gironde, à l'initiative de l'Association cadillacaise Saint-Blaise, rendent hommage "à la mémoire de leurs camarades mutilés du cerveau victimes de la guerre 1914-1918".