Pupille de la Nation à l'âge de 105 ans...

D'après un article d'Antoine Delacou, "La Montagne", édition du 13 mars 2016

Son père est mort dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.

 

A Chevagnes, 101 ans plus tard, sa fille Antoinette Laloi reçoit symboliquement une carte de Pupille de la Nation.

Dans cette ignoble et invraisemblable boucherie que fut la Grande Guerre, l'Allier a perdu 15 315 de ses enfants. 

15 315 matricules, envoyés de façon industrielle à l'abattoir, 15 315 uniformes sous lesquels battaient les cœurs de fils, de frères, de maris, de pères...

C'est ainsi qu'Antoinette Lalois, née Pacaut, a perdu le sien le 26 janvier 1915.

Incorporé à Montluçon dans le 328e Régiment d'Infanterie, le soldat Michel Pacaut a été tué à Fontenoy, dans l'Aisne, fauché par la mitraille allemande, au moment où il tentait de rejoindre l'abri précaire de sa tranchée.

 

Michel Pacaut avait 31 ans. 
Sa fille unique, la petite Antoinette, en avait 4.

 

Un père tué dans les tranchées, une mère morte de chagrin

101 longues années ont passé depuis cette sanglante journée de l'hiver 1915.

Antoinette est désormais une vieille dame frêle et digne de 105 printemps, qui peine à retenir ses larmes en évoquant ses souvenirs.
Elle raconte avoir vécu toute sa vie dans le culte de la mémoire de son père mort au combat : "Je l'ai très peu connu. Mais je ne l'ai pas oublié. Aujourd'hui encore, je pense à lui chaque jour."

Elle revit l'ultime fois où le Poilu, en partance pour le front, l'a serrée dans ses bras : "J'étais une toute petite fille. Nous l'avions accompagné, ma mère et moi, à la gare de Dompierre-sur-Besbre. C'est la dernière fois que j'ai vu mon papa."

 

"Un traumatisme terrible pour elle, raconte Michelle, la fille d'Antoinette. Toute son existence a été complètement bouleversée par cette histoire. Je l'ai vue si souvent triste."

 

Marie, la mère d'Antoinette, est littéralement morte de chagrin après le décès de son époux : "Elle est tombée malade et n'a jamais pu s'en remettre."

Michel Pacaut et Marie Dupuy s'étaient unis le 27 novembre 1909 à Chevagnes.

 

Adoptée par la France en 1918

Un destin familial tragique parmi des millions d'autres vies brisées.

 

Le parcours de Michel Pacaut, tombé pour la France à 32 ans en 1915, recoupe celui des 75 000 Bourbonnais mobilisés pour défendre la patrie, dont 61 % étaient des travailleurs agricoles.

Originaire de Chevagnes, cultivateur chez des châtelains de Thiel-sur-Acolin, Michel Pacaut était l'un de ces soldats-paysans qui ont quitté leur terre nourricière pour s'enterrer dans la boue stérile des tranchées.

 

Après le conflit, la France s'est sentie redevable du sacrifice de ces hommes.

 

Orpheline de guerre, comme environ un million de petits Français de l'époque, Antoinette a été adoptée par la France le 15 novembre 1918.

Mais cette ressortissante de l'Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (O.N.A.C.V.G.), elle n'avait jamais fait valoir ses droits pour obtenir un document officiel.

 

Plus d'un siècle après la mort de son père, c'est maintenant chose faite.

 

 

Claude Brun, président de l'Association Départementale des Pupilles de la Nation, lui a remis sa carte de Pupille de la Nation, geste hautement symbolique mais d'une grande importance.


"C'est une façon d'entretenir le souvenir de 14-18, une page terrible de l'Histoire de France, dont Antoinette Lalois est aujourd'hui l'un des derniers témoins indirects. Dans l'Allier, à notre connaissance, elle est d'ailleurs la seule Pupille de la Nation de la Grande Guerre toujours vivante."

 

 

Dans cette famille originaire de Chevagnes, le devoir de mémoire est assuré.

 

C'est à la Nécropole nationale Bois-Roger à Amblemy que Rémi Charriot, arrière-petit-fils d'Antoinette, a trouvé la tombe individuelle de son aïeul.

 

Une photo de cette sépulture a rejoint sur la table de chevet d'Antoinette un portrait en noir et blanc.


Celui en uniforme de Michel Pacaut, Mort pour la France le 26 janvier 1915.



Antoinette Lalois, 105 ans, reçoit sa carte de Pupille de la Nation

 

Antoinette est décédée le 22 juin 2016 à Chevagnes.