La guerre est d'abord une épreuve pour les femmes.

Nombreuses sont les mères, les épouses, les filles ou les soeurs de soldats mobilisés à attendre des nouvelles de leur proche au front, à s'inquiéter de son silence, trop souvent synonyme de blessure ou de mort.

Les lourdes pertes des premiers mois du conflit entraînent à l'arrière de nouveaux besoins dans les services de santé, qui font alors massivement appel aux femmes, et marquent la vie à l'arrière. On compte en 1918 plus de 100 000 infirmières, dont 70 000 bénévoles. On dénombre aussi près de 3 millions de veuves et 6 millions d'orphelins en France.

Les femmes de mobilisés assurent désormais les fonctions de chef de famille. La loi du 3 juin 1915 leur a transféré la puissance paternelle pour la durée du conflit. Elle doivent subvenir aux besoins du foyer, souvent avec difficulté. Sur 20 millions de Françaises, 8 millions travaillaient déjà avant 1914, mais le conflit accentue leur part au sein de la population active, qui passe du 38% en 1911 à 46% à la fin de la guerre.

Dans les campagnes, 850 000 femmes prennent la tête des exploitations agricoles, 300 000 épouses d'ouvriers agricoles privées du revenu de leur mari mobilisé les rejoignent.

En ville, les emplois laissés vacants et le développement des industries de guerre permettent aux femmes d'accéder à de nouveaux secteurs économiques. La part des femmes employées dans la métallurgie passe de 5% avant 1914 à 25% en 1918. La répétitivité des gestes dans la fabrication des munitions compense l'absence de qualification. De nombreuses entreprises cherchent à faciliter le travail des ouvrières en ouvrant au sein de l'usine des crèches ou des chambres d'allaitement. Cette ouverture de certains secteurs d'activité provoque une situation de pénurie dans certains secteurs traditionnellement réservés aux femmes.

La part de plus en plus importante des femmes dans les usines s'accompagne d'une remise en question des droits sociaux et syndicaux acquis avant la guerre tels que l'allongement de la durée du travail, le travail de nuit, l'augmentation des objectifs, les inégalités salariales avec les hommes... 

 

Cette dégradation des conditions de travail entraîne des grèves de plus en plus nombreuses et virulentes au fil des années. 

En France, on passe de près de 9 400 grévistes en 1915 à plus de 650 000 en 1917. 

Les femmes jouent un rôle important dans ces mouvements sociaux qui perdurent jusqu'à la fin du conflit.

La Grande Guerre a donc marqué une redéfinition des rôles et une ouverture de certains secteurs de l'économie à la main d'oeuvre féminine. La présence de femmes à des postes traditionnellement dévolus aux hommes est valorisée durant le conflit : c'est une participation directe à l'effort de guerre. 

Munitionnettes, pompiers, employées des compagnies de chemin de fer ou facteurs font l'objet de reportages photographiques.

Dans le même temps, les discours mettent en scène des femmes cantonnées dans le rôle traditionnel de mères, d'épouses fidèles, d'infirmières compatissantes. On se méfie de leur nouvelle liberté. Elles sont parfois soupçonnées de dilapider l'argent du foyer, d'entretenir des liaisons adultères, d'avoir une conduite inconvenante...

La fin de la guerre marquera le renvoi des femmes de ces nouveaux secteurs professionnels vers des postes plus traditionnels ou leurs foyers.

Le ministre Loucheur propose même un mois de salaire aux ouvrières des usines d'armement si elles quittent leur travail avant le 5 décembre 1918.