La France des années 20

Un pays exsangue

Au sortir de la guerre, la France est un pays exsangue qui compte ses morts tombés au Champ d'Honneur.

 

Mais le désastre est aussi matériel et financier. Les régions situées sur le front sont détruites. Les Etats, qui se sont énormément endettés pour financer la guerre, doivent en plus financer la reconstruction, aider les veuves et les orphelins, sans compter les invalides.

Après ce terrible conflit, nombreux sont ceux qui rêvent d'un monde nouveau et proclament "Plus jamais ça !" et veulent profiter au maximum de la vie, les années à venir étant incertaines.

La société française change radicalement de visage, tandis qu'une minorité donne naissance aux Années Folles, période représentative du désir d'oublier la guerre et de se divertir.

C'est une société qui se réjouit de la paix retrouvée.

 

Alors que certains ont pu construire d'énormes fortunes pendant la Première Guerre mondiale, d'autres en sortent très affaiblis. Le monde paysan est en deuil. Diverses doléances s'expriment à l'occasion de la construction de ce nouveau monde : l'émancipation et le droit de vote des femmes, les droits des travailleurs... sont soumis au débat. Les revendications sociales de la classe ouvrière vont resurgir.

 

Le 14 juillet 1919 se tient le Défilé de la Victoire, entre la place de la Concorde et l'Arc de Triomphe. La France entière fête la victoire, mais à quel prix ! 

 

En décembre 1918, le sous-secrétariat d'Etat à la guerre a établi à 1 385 000 le nombre de Français qui sont morts au combat.

 

Sur le 8 660 000 mobilisés, plus de 7 millions ont survécu. Mais nombreux seront ceux qui mourront dans l'immédiat après-guerre, des suites d'une bronchite, d'une blessure mal soignée, ou d'avoir été gazés...

 

Et parmi les autres, des mutilés de guerre qui rappellent à chacun que la victoire a un prix. On évalue ainsi à 25 000 le nombre d'unijambistes, à 14 000 celui des gueules cassées...

 

Sans oublier les blessures psychologiques... 

 


La question démographique

Le lendemain de la guerre ne s'accompagne pas d'un boom des naissances, ce qui déstabilise la démographie française, qui apparaissait déjà moins dynamique que celles de plusieurs autres pays à la fin du XIXe siècle.

 

On compte 760 000 veuves. 
La vague de grippe espagnole en 1919 touche essentiellement les jeunes adultes et fait 200 000 morts en France, accélérant le phénomène de vieillissement de la population.

 

Pour régler ce problème, une politique nataliste est menée par le gouvernement, qui institue un Conseil Supérieur de la Natalité, et vote le 31 juillet 1920 une loi assimilant la contraception à l'avortement.

Toute propagande anticonceptionnelle est désormais interdite. L'avortement devient un crime passible de la Cour d'Assises.

A l'instigation de l'association L'Alliance contre la Dépopulation, une propagande est menée afin d'encourager les familles nombreuses.

 

Une nouvelle vague d'immigration salvatrice vient dans les industries du Nord, de Lorraine, de région parisienne et du Sud-Est effectuer les travaux les plus pénibles. Elle est constituée de 800 000 Italiens, 500 000 Polonais et 350 000 Espagnols, auxquels il faut ajouter les travailleurs coloniaux, notamment Algériens.

Paris, le Nord et l'Est du pays sont donc les régions qui comptent alors le plus d'immigrés. Certaines villes du Nord sont presque habitées uniquement par des Polonais, à l'instar de la commune d'Ostricourt. Paris constitue un abri inespéré pour les Arméniens, qui ont tout quitté pour échapper à leurs bourreaux, ou pour les Juifs qui ont fuit la misère et les progroms de l'Est européen.

Pendant la décennie 1920-1930, près de 3 millions d'étrangers arrivent ainsi en France, en faisant le premier pays d'immigration au monde devant les Etats-Unis, en proportion du nombre d'habitants.

En 1931, la part de la population immigrée est de 6.96 % contre 2.7 % en 1911.

 


Un lourd tribut matériel

Au terrible bilan humain s'ajoute un triste bilan matériel.

 

La zone touchée par les combats est un immense champ de ruines, s'étendant sur quatorze départements du Nord, de l'Est, de la Picardie et de l'Île-de-France.

Les terres agricoles y sont inexploitables, car ravagées par les obus.

Certains villages ont été rayés de la carte.

De nombreuses villes ont été plus ou moins dévastées. 

450 000 maisons ont été détruites en tout ou en partie, et 5 000 km de voies ferrées sont hors d'usage.

Les usines sont à reconstruire ou reconvertir pour des productions de temps de paix. Cette reconstruction doit être relancée dans un contexte de dévalorisation monétaire, d'inflation et d'endettement. La production industrielle française a chuté de 38  % par rapport à 1913.

 

Du Bloc National à l'Union Nationale

Alliance du centre et de la droite, le Bloc National accède au pouvoir le 16 novembre 1919. Une majorité des députés sont des anciens combattants, ce qui vaut à la Chambre le surnom de "Chambre bleu horizon".

Le gouvernement du Bloc National met en place une série de mesures conservatrices. Il augmente fortement la dépense publique, notamment avec l'indemnisation des victimes de la guerre. Ces coûts, qui s'ajoutent à ceux de la reconstruction, doivent être compensés par l'argent que doit verser l'Allemagne, qui n'est pas en mesure de payer. Le gouvernement est contraint d'augmenter fortement l'impôt (le taux d'imposition maximal passe de 2 à 50 % en 1920), alors que le Bloc National refuse catégoriquement toute dévaluation du Franc, pour défendre l'honneur national, entraînant une crise monétaire.

Aux élections législatives de 1924, c'est le Cartel des Gauches, alliance des radicaux et des socialistes, qui l'emporte et sonne le glas du Bloc National.

Le nouveau gouvernement prend rapidement quelques mesures spectaculaires, dont le transfert des cendres de Jean Jaurès au Panthéon, l'amnistie des grévistes de 1920, la création d'un Conseil économique et social, mais aussi l'autorisation pour les fonctionnaires de se syndiquer.

Il mène une contre-offensive laïque en matière d'enseignement. L'enseignement secondaire moderne, sans latin, est rétabli, ainsi que le principe de la gratuité du lycée.

Le Cartel des Gauches échoue cependant dans la politique financière. En effet, l'objectif de renflouer les caisses et remédier à la dette par l'adoption d'un impôt sur le capital, et notamment sur les profits réalisés pendant la guerre, se heure à l'hostilité des milieux financiers.

En juillet 1926, Raymond Poincaré, le père de l'union sacrée de 1914, devient Président du Conseil. Il forme un cabinet d'Union Nationale, qui met en place une politique d'austérité financière.

La France retrouve la confiance, l'économie connaît une embellie. Grâce aux capitaux étrangers, et notamment américains, la croissance économique revient peu à peu. Les Français commencent à retrouver le goût de vivre sereinement après des années de guerre et de privations.

 


Une forte croissance économique

Entre 1920 et 1930, la France connaît une période d'euphorie et de forte croissance.

La production industrielle quadruple.

De nouveaux produits et services en très forte expansion dopent l'économie : radio, automobile, aviation, pétrole, électricité.

En six ans, la France efface la pénurie d'énergie causée par la reconstruction des mines du Nord, que les Allemands avaient noyées pendant la Première Guerre mondiale.

Durant cette période, le PIB progresse de 49.8 % contre 29.5 % aux Etats-Unis, dont la croissance est pourtant dopée par l'expansion du pétrole au Texas et les économies d'échelle dans l'automobile.

A la Bourse de Paris, le volume des échanges est décuplé, les cours sont multipliés par 4.4 entre la fin 1921 et la fin 1928. Les augmentations de capital sont massives.

La sous-capitalisation du XIXe siècle est effacée. Mieux capitalisées que les américaines, les sociétés françaises résisteront mieux au krach de 1929.

 


De l'après-guerre aux Années Folles

Minée démographiquement, la société française connaît de grandes transformations dans les années 1920.

La société rurale perd peu à peu du terrain au profit de la société urbaine. 

En 1931, pour la première fois de son histoire, la France compte plus de citadins que de ruraux.

 

Le pays s'ouvre à d'autres cultures. C'est une période riche, diverse et bouillonnante, où la littérature de guerre connaît un grand succès.

La folie qui pointe à l'aube des années 20 se caractérise par de nombreuses nouveautés, à l'image de l'apparition du jazz, de la radio, du cinéma ou de l'électroménager.

Paris constitue l'épicentre de ce frémissement joyeux et festif. Le quartier Montparnasse symbolise ce renouveau, où le plaisir et l'exubérance sont érigés en mode de vie. C'est l'époque de Joséphine Baker, de l'Art Déco, des créations de Coco Chanel...

Les prémices d'une culture de masse se profilent peu à peu et annoncent en cela les années 30. Il est certain que la société change de forme.