Quatre ans, trois mois et sept jours après l'entrée en guerre de la France et de ses alliés face à l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie, l'armistice est signé au petit matin du 11 novembre 1918. 

 

Les armes se taisent à onze heures.

 

L'envahisseur allemand est vaincu.

 

Mais la Paix reste à établir. 

La conférence de Paris

La conférence de paix siège à Paris depuis le 18 janvier afin de préparer le Traité. C'est un événement inédit dans sa forme, entendant réunir l'ensemble des nations afin d'assurer, durablement et démocratiquement, la sécurité mondiale.

L'élaboration du traité de paix s'appuie sur le travail de 52 commissions divisées en plusieurs groupes de travail, auxquels participent des géographes, des historiens, des économistes. Cette démarche rationnelle et scientifique de l'étude des responsabilités et des conséquences du conflit a pour but d'établir un traité juste et une paix durable.

Les nations vaincues, l'Allemagne et l'ancienne Autriche-Hongrie, ainsi que la Russie, qui a signé un armistice avec l'Allemagne en mars 1918, sont absentes des négociations.

27 délégations représentant 32 Etats (le Royaume-Uni parlant au nom du Canada, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et de l'Inde) ont à charge de régler officiellement la Première Guerre mondiale. 

La tâche qui leur incombe est immense.

Très rapidement, le caractère démocratique de ce nouvel ordre mondial est mis à mal : dès le 23 mars 1919, l'essentiel des décisions revient à un conseil restreint formé des quatre grandes puissances alliées : Georges CLEMENCEAU pour la France, David LLOYD GEORGE pour le Royaume-Uni, Vittorio Emanuele ORLANDO pour l'Italie et Thomas Woodrow  WILSON pour les Etats-Unis, qui ne tardent pas à se réunir à huis clos.

Les négociations sont difficiles. Les Alliés ne sont pas d'accord entre eux.

La France veut être indemnisée par la partie qu'elle considère responsable pour les dégâts causés par la guerre, sur son territoire, et pour ses pertes humaines.

CLEMENCEAU milite également pour la démilitarisation de l'Allemagne et l'amputation de son territoire. Il veut littéralement anéantir l'Allemagne, afin de protéger la France.

La Grande-Bretagne veut au contraire lui conserver son rang. Les Anglais veulent également être indemnisés, et ainsi ne pas tout laisser à la France. Leur argumentation s'appuie sur leurs pertes humaines, les dégâts matériels ne représentant pas une justification assez solide dans le cas de la Grande-Bretagne.

L'Italie souhaite l'extension adriatique, selon la promesse faite au Traité de Londres du 26 avril 1915. Une partie seulement des territoires qui avaient été promis lui est annexée, ce qui bouleverse une grande partie de l'opinion publique italienne, en raison de la propagande de la part de la presse nationaliste. Parmi les puissances victorieuses, l'Italie s'estime lésée par une paix qui ne prend pas en compte les promesses faites au moment de son engagement dans le conflit. Canalisant les mécontentements, Benito MUSSOLINI prendra le pouvoir en 1922 et instituera un régime autoritaire, militariste et nationaliste.

Pour les Etats-Unis, le président Thomas Woodrow WILSON ne veut pas d'un traité trop sévère, mais est cependant contraint aux concessions face à l'entêtement des Français à faire payer l'Allemagne, et des Anglais qui refusent l'idée de la liberté de circulation sur les mers.

Il est animé d'un idéal pacifique, veut croire en l'établissement d'une entente internationale des Etats. Il espère les faire renoncer à la course aux armements qui a attisé les rapports de force et conduit au conflit. Il veut faire entrer le monde dans la voie des négociations collectives afin de garantir l'équilibre et la paix mondiale.

La création de la Société des Nations, organisation internationale dont l'objectif primordial est de garantir la paix, le développement économique et de promouvoir la liberté des peuples, en sera l'expression.

Mais la Société des Nations, critiquée et désavouée par la suite - y compris par les Etats-Unis, qui n'en seront jamais membres - ne disposant que de voie diplomatique et dépendant de la volonté des Etats pour l'application des résolutions et sanctions éventuelles, ne pourra pas empêcher la montée des totalitarismes européens et le début de la Seconde Guerre mondiale.

Le Traité de Versailles

Le traité est finalement soumis à l'Allemagne le 7 mai 1919. Il est très dur. Ses contre-propositions, soumises le 29, ont toutes été rejetées.

L'Allemagne refuse de signer. 

Le 17 juin, les Alliés lui donnent cinq jours pour se décider. L'Allemagne s'inclinera finalement devant ce diktat.

Le 28 juin 1919, date anniversaire de l'attentat de Sarajevo, l'Allemagne signe le traité de paix.

 

Pour la France, c'est aussi l'occasion de laver symboliquement l'humiliation de sa défaite lors de la guerre de 1870, car c'est dans cette même Galerie des Glaces du Palais de Versailles que l'Empire allemand avait été proclamé, le 18 janvier 1871. 

Georges CLEMENCEAU peut savourer sa revanche.

 

Les clauses du Traité

Paix pour les uns, diktat pour les autres, le Traité de Versailles contient en germe les causes d'un second conflit, vingt ans plus tard. Les clauses du Traité sont en effet draconiennes.

Les clauses territoriales

Les principales clauses territoriales concernent la restitution à la France de l'Alsace-Lorraine, perdues en 1871, ainsi que l'administration de la Sarre par la SDN pendant quinze ans avant l'organisation d'un plébiscite. 

Une partie de la Prusse orientale est démantelée au profit de la Pologne. Dantzig devient une ville libre, administrée sous le contrôle de la SDN, assurant ainsi à la Pologne un accès à la mer par le fameux "Corridor de Dantzig" et isolant la Prusse orientale du reste de l'Allemagne.

L'Allemagne se voit amputée de 15 % de son territoire au profit de la France, de la Belgique, du Danemark, et surtout de la Pologne, nouvellement recréée, perdant ainsi 68 000 km2  de son territoire et 8 millions d'habitants, soit 10 % de sa population. Elle perd ainsi l'essentiel de son minerai et de sa production agricole.

Enfin, l'Allemagne renonce à toutes ses colonies au profit des puissances alliées, la SDN ayant charge d'en attribuer le mandat à certaines d'entre elles.

C'est ainsi que la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et l'Union Sud-Africaine, puissances coloniales riveraines des possessions allemandes en Afrique, se partagent ces dernières : le Cameroun, le Togo, l'Afrique orientale allemande (actuels Tanzanie, Rwanda et Burundi), et le Sud-Ouest africain (actuelle Namibie).

Dans la foulée, l'Allemagne devra également conserver à ses intérêts commerciaux, à savoir ses comptoirs et conventions douanières en Chine, Siam - actuelle Thaïlande -, Maroc, Egypte, Turquie... etc...

Les clauses militaires

De nombreuses mesures sont prises pour limiter le pouvoir militaire de l'Allemagne, et protéger ainsi les Etats voisins, en anéantissant sa puissance militaire.

Son armée est limitée à un effectif de 100 000 hommes utiles au maintien de l'ordre, et le service militaire est aboli.

L'Allemagne doit livrer ses armes, ses moyens de défense aériens et navals.

L'armée allemande signifiera malgré tout sa résistance aux mesures imposées en sabordant sa flotte dans la baie écossaise de Scapa Flow, à la veille de la remettre aux Alliés.

La fabrication d'un nouveau matériel de guerre (sous-marins, artillerie lourde, chars...) est interdite, et les ouvrages fortifiés doivent être détruits sous le contrôle de la Commission des réparations.

La rive gauche du Rhin, les villes de Coblence, Mayence et Cologne, sont démilitarisées.

Les clauses économiques et financières

Le Traité de Versailles établit la responsabilité morale de l'Allemagne et de ses alliés, jugés seuls responsables du conflit.

Suite aux dommages de guerre causés pendant toute la durée de la guerre dans le Nord de la France et en Belgique, l'Allemagne doit payer de fortes réparations à ces deux pays. 

Le montant est fixé par une commission en 1921. Il s'élève à 132 milliards de marks-or, une somme très élevée. Le montant total des dommages causés par la guerre aux Alliés a toutefois été estimé à 150 milliards de marks-or.

En janvier 1923, confrontée à une grave crise financière, l'Allemagne se déclare dans l'impossibilité de payer, la France occupe la Ruhr, la plus importante région industrielle allemande, pour obliger l'Allemagne à payer.

Plusieurs sanctions commerciales et des livraisons en nature complètent ce volet économique.

Les fleuves Rhin, Oder et Elbe sont internationalisés et l'Allemagne doit admettre les marchandises en provenance d'Alsace-Moselle et de Posnanie sans droits de douane.

En outre, le pays doit livrer aux Alliés du matériel et des produits, et perd la propriété de tous ses brevets. C'est ainsi par exemple que l'aspirine de Bayer tombe dans le domaine public, et qu'à titre de dédommagement la France exploitera le charbon de la Sarre pendant 15 ans.

Un diktat humiliant pour l'Allemagne

Le Traité de Versailles est vécu par les Allemands comme une condamnation excessivement rude, les vainqueurs faisant porter à l'Allemagne l'entière responsabilité du conflit.

Cette dernière ne prend pas vraiment conscience de l'ampleur de la défaite, notamment parce que les dégâts ne sont pas visibles sur le territoire allemand et que l'industrie de la Ruhr est intacte.

Le peuple allemand, alors sous embargo, qui a vu ses soldats défiler à Berlin après l'Armistice et être félicités par la République de Weimar, ne comprend pas une telle sentence.

Le terme de diktat s'impose rapidement dans l'opinion publique. Il nourrit le sentiment nationaliste et revanchard développé par les groupes nationalistes. 

Dès la signature du traité, la jeune République de Weimar est discréditée. L'Allemagne entre alors dans une phase de crises politiques.

Les partis d'extrême gauche, spartakistes, dénoncent la tutelle capitaliste des démocraties occidentales. 

Les partis d'extrême droite dénoncent, eux, la trahison et l'humiliation de l'acceptation du Traité de Versailles. C'est sur cette thèse que Hitler fondera son idéologie nazie, voulant restaurer la grandeur de l'Allemagne par le rétablissement du Reich.

Une paix durable ?

Avec l'éclatement des empires vaincus, au nom du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, l'Europe se trouve profondément remodelée par les différents traités de paix signés dans les années suivant la fin de la Première Guerre mondiale. Le démembrement des empires dessine de nouvelles frontières, de nouveaux Etats (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie).

Le Traité de Versailles crée, en raison de l'humiliation subie par le vaincu, les conditions d'une marche vers la revanche qui entraînera à nouveau le monde dans la tourmente...

L'Empire austro-hongrois est démantelé par les Traités de Saint-Germain-en-Laye et de Trianon, signés respectivement les 10 septembre 1919 et le 4 juin 1920. Le vieil empire des Habsbourg se retrouve éclaté en plusieurs petits pays ; les frontières de l'Autriche et de la Hongrie sont drastiquement resserrées au profit de la Roumanie, la Pologne, l'Italie, et les états yougoslaves et tchécoslovaques sont créés.

L'Empire ottoman est démembré par le Traité de Sèvres, le 10 août 1920. Les possessions arabes de l'Empire passent sous protectorat français et anglais, ou deviennent indépendantes, tandis que la Grèce met la main sur la Thrace et Smyrne. La révolution menée par Mustapha Kemal et la guerre contre les Grecs renversent la situation, et permettent à la jeune république de Turquie d'imposer un nouveau traité, le Traité de Lausanne, signé le 23 juillet 1923, dans lequel Kemal obtient la restitution de l'Arménie turque, du Kurdistan, de la Thrace orientale et de la région de Smyrne.

L'Europe a été recomposée, avec la création de nouveaux états et une tentative plus ou moins réussie d'application du principe des nationalités. Avant la guerre, soixante millions d'Européens appartenaient contre leur gré à tel ou tel pays. En 1919, ils sont trente millions, soit moitié moins. 

Mais parfois, ce sont de nouvelles minorités qui apparaissent, comme c'est le cas pour les Sudètes par exemple.

Si le principe de la souveraineté des peuples énoncé parmi les quatorze points du président Wilson semble respecté, le problème des nationalités n'est pas résolu et les tensions communautaires ne feront que s'exacerber durant tout le XXe siècle.

La nature et les termes des traités signés à partir de 1919, loin d'apporter un nouvel équilibre, portent en eux les mécontentements qui vont nourrir les tensions et ouvrir la voie à de nouveaux conflits.