Le monde ouvrier dans les années 20

Durant la Grande Guerre, le brassage de population et d'idées a changé la vision des hommes sur leur condition sociale. A l'aube de 1919, le prolétariat d'Europe tente d'entraîner une révolution mondiale, mais les tentatives en Allemagne et en Hongrie notamment sont écrasées par les pouvoirs en place.

Au sein du monde ouvrier français, deux théories s'affrontent, les réformistes et les révolutionnaires. Le malaise social s'accentue au cours des mois. Dans les usines et les entreprises, les revendications sociales, mises sous le boisseau durant le conflit, resurgissent avec des exigences nouvelles portées par des hommes qui sortent de l'enfer.

Le 23 avril 1919, par peur d'une contagion révolutionnaire, dans un climat marqué par une forte pression revendicative, le gouvernement vote la Loi des 8 heures, une semaine avant un 1er mai dont il craint qu'il ne donne le coup d'envoi à une puissante grève générale. C'est en effet l'une des revendications historiques du mouvement ouvrier depuis 1866, la manifestation internationale du 1er mai s'organisant autour de cet objectif depuis 1890.

La Loi des 8 heures énonce le principe de la journée de 8 heures et de la semaine de 48 heures. 
Elle consacre ainsi l'expression des "trois 8" : 

8 heures de travail

8 heures de loisirs

8 heures de sommeil.

 

L'ouvrier peut aménager son temps de travail de façon à bénéficier d'une journée et demie de repos : c'est ce qu'on appelle la "semaine anglaise", à une époque où la durée de la journée de travail est de 10 heures, voire plus, dans la plupart des pays industrialisés.


Le 1er mai 1919, la grève générale de 24 heures rassemble 500 000 personnes à Paris. Des heurts violents opposent policiers et manifestants. 

Durant l'année 1919, on compte 2 206 grèves et 1 160 000 grévistes en France.

Le 16 novembre, les élections se soldent par une poussée à droite.

Trois mois plus tard, le 25 février 1920, la CGT déclenche une grève générale dans les chemins de fer. Cinq revendications sont mises en avant : le respect des droits syndicaux, une échelle des salaires, l'extension des commissions paritaires aux petites compagnies, l'étude d'un régime des chemins de fer, et l'absence de sanctions pour fait de grève.

Malgré l'accord obtenu, la fraction révolutionnaire du syndicat estime que le rapport de force permet d'aller plus loin, appelle à la grève illimitée pour le 1er mai sur le mot d'ordre de "Nationalisation des chemins de fer" et demande le soutien de la Confédération.

Les manifestations du 1er mai 1920 sont violentes.

On compte deux morts à Paris.

Clémenceau fait arrêter les responsables de la Fédération des Cheminots pour atteinte à la sûreté de l'Etat, et les compagnies révoquent les syndicalistes. Le mouvement social s'étend rapidement.

Le 3 mai, les corporations des Ports et Docks, ainsi que celles des Marins et des Mineurs rejoignent alors le mouvement.

Elles sont suivies le 7 par les Métallos et le Bâtiment, le 11 par le Gaz et l'Electricité...

L'une après l'autre, les grande fédérations professionnelles lancent donc cette grève par vagues. On assiste à un conflit social sans précédents en France. 
Le blocage du pays est proche.

Mais aucune compagnie ne fait de concession et la grève est brisée par le gouvernement Millerand, qui fait voter une loi permettant la mobilisation de certains secteurs des réseaux de chemins de fer. Pour conduire les trains, le gouvernement fait appel à l'armée, ainsi qu'aux élèves des grandes écoles et aux "citoyens de bonne volonté".

De violentes manifestations syndicales sont suivies d'une répression sanglante.

La grève générale échoue.

En France, plus de 100 000 grévistes reçoivent un blâme, pour eux plus d'avancement ni de gratification, 18 000 sont révoqués.

Le 22 mai, la CGT est contrainte de donner l'ordre de reprendre le travail.

Pour la Confédération, cet échec est lourd de conséquences. Les effectifs syndicaux chutent de 2 millions à 600 000. Partout, le mouvement syndical connaît une grave crise, et la tendance révolutionnaire perd provisoirement en influence. 

La grève va laisser des traces indélébiles pour la CGT et avoir pour conséquence directe l'éclatement du mouvement ouvrier français, entre ceux qui se proclament réformistes, autour du secrétaire général Léon Jouhaux, et ceux qui ne le sont pas. Cela va se traduire par une scission en 1921.

En 1926 apparaissent pour la première fois les revendications pour les congés payés et la mise en place de protections sociales pour tous les salariés. 

Ces revendications aboutiront avec les lois du 5 avril 1928 (assurance maladie), du 30 avril 1930 (assurances sociales), et du 11 juin 1936 (congés payés).